À l’ombre des Derricks – 1962

Prépublication dans « Spirou » (1161-1182) entre juillet et décembre  1960

Cet album permet à Lucky Luke de quitter le Far West car l’action se situe entièrement à Titusville, en Pennsylvanie, l’un des treize états fondateurs de l’Union. Le thème de l’album est celui de l’avidité et de la cupidité motivée non par l’or mais par… l’or noir, le pétrole exploité pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis dans cette bourgade. Comme dans « Ruée vers l’Oklahoma », nous pouvons dater avec précision l’action puisqu’elle fait référence à un événement historique, qui s’est déroulé en 1859, soit trente ans auparavant.
À vrai dire, le lecteur n’est pas trop dépaysé car la différence de mœurs entre l’Ouest et l’Est du pays ne saute pas franchement aux yeux. Lucky Luke, promu sheriff, y est au prise avec un méchant de bon niveau, Barry Blunt, avocat radié du barreau, et donc expert dans l’art de contourner la loi.  

Comme dans « Lucky Luke contre Joss Jamon », l’intimidation et la perversion de la démocratie jouent un grand rôle dans l’intrigue. Les auteurs nous rappellent à cette occasion que les juges américains sont élus, contrairement à ce qui se passe en Europe.
À noter aussi le rôle ambigu, joué par le colonel Drake, découvreur du premier puits de pétrole. Présenté comme un être sage et un collaborateur de Lucky Luke, il n’en est pas moins le déclencheur de tous les excès qu’a connu Titusville, ce qui ne manque pas de le culpabiliser.

 Cet album est particulier car  il est l’un des rares, sinon le seul, qui diffuse une atmosphère pessimiste. La fièvre du pétrole apparaît  porteuse de valeurs négatives contre lesquelles on ne peut pas faire grand-chose  et à la fin,  Lucky Luke quitte Titusville comme on échappe à un endroit malsain. Cet album a été pourtant écrit au début des années 60 à une époque où la voiture et le pétrole étaient triomphants. 

Sur le plan esthétique, Morris utilise pour la première fois la carte de la monochromie pour animer les scènes d’incendie, qui sont d’ailleurs très belles.

Dans le site Sens Critique, un internaute (JLP_2) compare carrément Barry Blunt au célèbre  John Rockfeller, le fondateur de la Standard Oil, qui battit un empire industriel en faisant couler des petites entreprises concurrentes pour les racheter à bas prix. 

 

Curiosité

L’histoire ne se termine pas par la fameuse chanson « I’m a poor lonesome cow boy ». Ce sera la seule fois de toute la période Goscinny.

Le gag

Les multiples licences de Barry Blunt.

Caricature

Victor Hubinon, dessinateur belge (1924 – 1979). Il a  notamment dessiné  « Buck Danny » et « Barbe Rouge ». Plus deux personnages historiques : le Colonel Drake et son assistant Billy Smith.