Lucky Luke, la presse et l’édition
Les aventures de Lucky Luke ont d’abord été publiées dans l’hebdomadaire Spirou, propriété de la maison d’édition belge Dupuis. L’aventure a duré 21 ans de 1946 à 1967. Il y eut quelques entorses, comme pour « Lucky Luke contre Phil Defer » publié dans le magazine « Le Moustique », également propriété des éditions Dupuis ou « Les Dalton courent toujours » apparu dans « Le Parisien Libéré » quotidien national français.
Evidemment, fort de ses ventes impressionnantes, Lucky Luke était une série phare de Spirou qui lui accorda souvent sa une. En 1964, le cow boy arriva en tête des séries préférées des lecteurs de l’hebdomadaire. Cette même année, le premier tirage de « Les Dalton courent toujours » atteint 64 000 exemplaires, chiffre exceptionnel chez Dupuis. En 1964 toujours, Dupuis vend 600 000 albums du cow boy solitaire, tous albums confondus.
En 1968 se produit un séisme. La série déménage dans les pages d’un autre hebdomadaire : Pilote, propriété des éditions Dargaud (France) qui prendra aussi en charge la publication des albums. Ce fut un événement considérable à l’échelle du monde de la Bande Dessinée. Presque comme un transfert de joueur de foot. Pilote se retrouvait avec, dans ses colonnes, les deux séries phares de l’école franco-belge : Astérix et Lucky Luke.
Pourquoi ce changement d’éditeur ? D’abord René Goscinny était le rédacteur en chef de Pilote depuis 1963. Ensuite Pilote s’affichait clairement comme un magazine de bandes dessinées pour adultes, ce qui permettait de sortir de certains carcans du style « enfantin » de Spirou et des éditions Dupuis.
On peut penser qu’il y eut aussi des raisons financières à ce bouleversement. Les albums Dupuis étaient brochés, souples, vendus assez bon marché, donc assez peu rémunérateurs en termes de droits d’auteurs. Dargaud proposait des albums de Lucky Luke cartonnés, durs, plus nobles, plus cher de 40 pour cent que les brochés et donc plus lucratifs pour les auteurs.
On rappelle que René Goscinny ne touchait qu’un tiers des droits d’auteurs de Lucky Luke en fonction d’un accord avec Morris qui estimait sans doute qu’il demeurait le créateur du personnage. Pour Asterix (dessin d’Albert Uderzo) et Iznogoud (dessin de Jean Tabary), également édités par Dargaud, René Goscinny touchait 50 pour cent des droits d’auteurs. Mais il avait fait naître ces personnages.
Interrogé sur ce transfert spectaculaire, Morris avança une autre raison : il trouvait que Dupuis ne s’occupait pas assez de la diffusion des albums de Lucky Luke à l’étranger. Dargaud s’était aussi engagé à aider à la production d’un dessin animé long-métrage, ce qui sera fait avec Daisy Town.
Lucky Luke resta dans Pilote jusqu’en 1973 juste avant que Goscinny ne quitte le magazine. Ensuite, la série fut publiée dans divers journaux : des publications de bandes dessinées comme Tintin ou Pif Gadget, mais aussi des magazines « grand public » comme Le Nouvel Observateur (« La guérison des Dalton ») ou Paris Match (« Le fil qui chante ») et même Sud-Ouest, un grand quotidien régional (« Empereur Smith »). En 1974-1975, Lucky Luke eut même son propre magazine qui ne vécut que quatorze numéros malgré des chiffres de vente pourtant très satisfaisants. « Le Cavalier Blanc » y fut prépublié.
Dans les années 80, Depuis se dessina enfin à éditer les albums en version cartonnée.
Les chiffres
A partir des années 60, les ventes de Lucky Luke commencent à monter en flèche. On l’a dit, « Les Dalton courent toujours » se vendirent à au moins 60 000 exemplaires dans l’année 64. En 1980, on estimait que les Albums Dupuis de Lucky Luke s’étaient vendus à 24 millions d’exemplaires. En 2018, le dernier album de Lucky Luke s’est vendu à 319 000 exemplaires. En 2020, on estimait que 300 millions d’albums de Lucky Luke s’étaient vendus depuis la création de la série.