Canyon Apache – 1971
Prépublication dans « Pilote » (563-584) de août 1970 à janvier 1971
L’un des albums les plus riches de la série. Six ans après « Le XXe de cavalerie », Lucky Luke retrouve la vie de garnison, dans une situation assez similaire d’ailleurs, puisqu’il débarque sur ordre du gouvernement dans une unité en lutte avec les apaches. Comme dans le XXe de Cavalerie, la personnalité de l’officier commandant le fort est le pivot de l’album. Le colonel O’Nollan voue une haine farouche aux indiens qui ont massacré son fils naguère. Certains commentateurs ont vu dans cet album une sorte d’autoréférence des deux auteurs, comme s’ils voulaient écrire une deuxième version de la même histoire, plus « adulte ».
En tout cas, cet album est très symptomatique du changement d’éditeur. Morris et Goscinny abordent des thèmes plus profonds, notamment au sujet des indiens. Ceux-cine sont plus présentés comme des caricatures, mais placés à égalité avec les blancs. Plusieurs scènes font explicitement référence aux massacres perpétrés par l’armée américaine.
Incontestablement, cet album est marqué par le revirement du cinéma américain qui abandonne le western classique et manichéen pour une vision plus nuancée, voire honteuse, de la conquête de l’Ouest. L’influence de « Little Big Man », le film d’Arthur Penn avec Dustin Hoffman est palpable.
On peut aussi imaginer que Patronimo est largement inspiré du célèbre Geronimo, chef des Apaches en guerre contre le Mexique et les Etats-Unis (1829-1909).
On peut voir dans cet album un croisement entre Lucky Luke et une autre série publiée dans Pilote et éditée par Dargaud : « Lieutenant Blueberry », une série western réaliste de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud, deux hommes qui ont côtoyé René Goscinny . Sur un forum internet, un auteur anonyme a écrit ceci : « Par ailleurs, je lisais récemment Canyon Apache et je me demandais si il était une parodie de Blueberry? J’y vois beaucoup de références : le colonel irresponsable et jusqu’au-boutiste, Lucky Luke comme ami des Indiens et pont entre les deux peuples, le fort, le refuge au Mexique, les rites d’initiation…En même temps, ce sont aussi des éléments habituels des westerns, me direz-vous. Mais je me demandais si quelqu’un sait si c’est une parodie plus ou moins assumée et plus ou moins ouverte de Blueberry ? »
Sur le site « Sens Critique », un internaute surnommé Volubilis 78 a écrit ceci : « Que les 10 dernières planches sont réussies !! Certainement une des meilleures fins d’un album de Lucky Luke. De l’action, des révélations d’intrigue et une dernière page grandiose en guise d’ouverture réflexive, bref du grand art … »
Le gag
Le métissage irlando-écossais.
La réplique
« Coyotito nage comme frère le poisson. »
Curiosité
Les deux avant dernières scènes représentent le monde à l’époque moderne, on y voit un appareil photo et une voiture, chose unique dans la série. L’avant dernière scène est très émouvante.
Un internaute nous écrit
"Une tendresse pour Coyotito"
Par Didier Navarre
La bande dessinée a tout d’abord été mon tout premier contact avec la lecture. Tintin a ma préférence. Vol 714 pour Sydney, Coke en stock et les Picaros sont mes préférés. Chez Lucky Luke, un ouvrage fait partie de mes livres de chevet : canyon apache. Tout d’abord, depuis tout petit, je suis fan de western. « La Prisonnière du Désert », « Rio Bravo », « Little Big-Man », « Le Massacre de Fort apache » ont été aussi précieux pour ma culture que mes professeurs du secondaire pour l’apprentissage de l’histoire de l’Amérique. Dans « Canyon Apache », l’histoire colle vraiment à celle de l’Amérique. Le colonel O’Nollan campe parfaitement le colonel Custer. La fin de l’ouvrage met le doigt sur le triste sort de la nation indienne. On voit ce vieil indien transformé en guide pour touristes.
Dans cet ouvrage, j’ai une tendresse particulière pour « Coyotito » jeune et intrépide venant montrer à Lucky Luke qu’il maîtrise parfaitement l’art de la natation. Une phase est pour moi « culte », quand le jeune papoose dit à Lucky Luke « Coyotito nage comme frère le poisson. »
En cette simple phrase, Coyotito résume Jean-Jacques Rousseau et son traité sur l’origine de l’inégalité qui a tourmenté bien des élèves de terminale. Le peuple indien était lié à la terre. Dans cet ouvrage, Morris et Gosciny offrent une image fascinante et flatteuse de ce peuple captivant et étonnant.
Si dans l’ouvrage, j’ai une petite tendresse pour Coyotito, j’aime bien aussi le chef apache, « Patronimo ». Son visage guerrier, un mélange d’Antony Queen et de Jack Palance, nous renvoie à Geronimo ou à Cochise dans « La flèche brisée ».
Canyon Apache, un ouvrage que je ne me lasse pas feuilleter.
Merci Morris et Goscinny.