La Diligence – 1968
Prépublication dans « Spirou » (1504-1525) et « Spirou » spécial Lucky Luke (1513) entre février et juillet 1967
La série débarque dans la maison Dargaud après avoir vécu ses 21 premières années chez Dupuis. Elle inaugure cette deuxième vie par un album superbe, l’un de ceux qui ont marqué toute une génération de lecteurs, par son efficacité, sa simplicité, sa lisibilité, sa limpidité. Lucky Luke y continue sa mission d’escorteur; leitmotiv de la série.
Les auteurs reprennent un schéma classique, la cohabitation de compagnons de voyage très différents mais contraints de se souder dans l’adversité. Citons « Boule de Suif », le célèbre roman de Guy de Maupassant ou évidemment la « Chevauchée Fantastique » (« Stagecoach »), le film de John Ford de 1939, avec John Wayne dans le rôle principal. Cet album fait presque figure d’adaptation du film, car il existe une vraie similitude avec ses personnages, jusqu’à l’utilisation d’une caricature de l’acteur John Carradine dans le rôle du joueur. Morris avouera qu’il aurait bien aimé mettre en scène une prostituée comme dans le Western, mais la ligne éditoriale de Spirou ne permettait pas une telle audace.
La qualité de cet album repose sur une magnifique galerie de portraits. Lucky Luke est secondé par Hank Bully, cocher de la diligence et caricature de l’acteur Wallace Beery (qui toutefois, ne jouait pas dans le film). Il joue le rustre au cœur d’or proche d’un Ugly Barrow (La Caravane) en plus sympathique et en moins grossier. Une femme y joue un rôle important. Imposante matrone, Annabella Flimsy tyrannise son petit mari dans un clin d’œil appuyé à Dubout. Comme la Castafiore dans Tintin, elle est assez symptomatique de la misogynie très commune aux auteurs de bandes dessinées de cette époque, bridés par la censure.
Le scénario mêle efficacement gags purs et durs, incidents de parcours et rebondissements d’une intrigue policière avec, comme point d’orgue, un épisode extraordinaire avec un poète d’un genre très particulier. À noter aussi la scène de la photo, particulièrement bien menée. La couverture est magnifique et le dessin de Morris à son zénith, clair et plein de vigueur. A la réflexion, la réussite de « La Diligence » réside dans le fait que Lucky Luke s’integre parfaitement dans une communauté, un peu comme dans « La Caravane » et dans « Dans des rails sur la prairie ». Il n’est pas vraiment un super héros, mais un guide éclairé (lire ci-dessous).
Un sondage réalisé en 2009 par le site officiel des éditions Lucky Comics a montré que cet album était le préféré des lecteurs.
La référence : L’album est à rapprocher de « La chevauchée fantastique » de John Ford évidemment mai aussi de son remake : « La Diligence vers l’ouest » de Gordon Douglas (Stage Coach, 1966) avec Mike Connors (futur Mannix) et Bing Crosby.
Le gag
Des patates et du lard.
Curiosité
Cet album est le premier édité chez Dargaud, mais il est paru en feuilleton dans « Spirou », l’hebdomadaire des éditions Dupuis. Charles Dupuis n’avait pas pensé à protéger cette aventure par contrat.
Caricatures
Alfred Hitchcock (cinéaste anglo-américain, 1899-1980).
Wallace Beery (acteur américain, 1885-1949).
John Carradine (acteur américain, 1906-1988).
L’avis d’un internaute
Cet album est à n’en pas douter une œuvre magistrale. Lisons le résumé d’un avis magnifique écrit par un internaute surnommé JLP2 sur le site « Sens Critique ».
. « La Diligence constitue à mes yeux, un must dans le genre de l’exercice de style. Les auteurs s’interdisent le recours à des personnages récurrents type Dalton, Rantanplan, Billy the kid… Lucky Luke, dans son statut de héros, adopte une position basse. Il est certes reconnu pour ses qualités puisque la Wells Fargo le recrute. Mais cette réputation n’écrase pas l’enjeu du récit, il n’apparaît pas comme invincible. Les bandits n’hésitent pas à attaquer la diligence. Plusieurs fois il se trouve surpris et en difficulté, et il doit recourir à la ruse (changement d’itinéraire, recours à la photographie face aux Indiens) il n’est fait aucune allusion à ses exploits passés. Il se concerte avec le conducteur de la diligence avec lequel il partage la responsabilité du voyage. Les personnages avec lesquels il interfère ne lui accordent pas de statut particulier. Il apparait comme un convoyeur particulièrement compétent, mais pas plus. Les bandits du début le connaissent mais les responsables des relais connaissent plus Hank Bully le conducteur et certains passagers (cf l’arrangement entre Scat et le patron du relais page 20). »
De la même façon, Jolly Jumper redevient un cheval presque ordinaire même si l’on peut s’étonner qu’il effectue tout le trajet sans broncher, alors que les chevaux de la diligence sont remplacés à chaque étape. Mais Jolly Jumper n’effectue pas d’exploit qui l’excluraient de la catégorie des chevaux.
Par deux fois il se montre défaillant dans sa relation avec Lucky Luke (page 34 Ayant les oreilles bouchées, il ne peut répondre au coup de sifflet de son maitre, page 42, inquiet, il refuse d’avancer vers le bandit Black Bart, au point que Lucky Luke doit continuer à pied).Du coup, il est possible d’imaginer le remplacement de Lucky Luke et de sa monture par un autre personnage sans que le récit soit détruit.
Cet effacement du héros qui s’intègre au petit groupe des voyageurs permet l’émergence de toute une série d’individus pittoresques dont on suit les péripéties au rythme cahotant de la diligen
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