La Ville fantôme – 1965

Prépublication dans « Spirou » (1306-1327) d’avril à septembre  1963

Par quel bout prendre cet album très riche ? Par sa couverture d’abord, à la fois belle et inquiétante propre à effrayer les jeunes lecteurs avec ses chauves-souris et les yeux qui brillent sous une terrasse. Elle est un autre de la monochromie prisée par Morris.

Le début de l’histoire est marqué par l’atmosphère inquiétante de ces villes abandonnées où des voyageurs s’installent, contraints et forcés, pour passer la nuit.
On pourrait aussi définir cet album par le couple des deux méchants. Colorado Bill et Denver Miles, deux aigrefins de piètre envergure dont la bêtise et la méchanceté génèrent des gags hilarants (la formidable scène du pari). Ils sont utilisés comme des sortes de Dalton de remplacement. On pourrait aussi parler du vieux Powell, l’autre grand personnage de cet album. Il est un ermite, un vieux chercheur d’or rendu presque fou par des années de recherches infructueuses.
Lucky Luke va le prendre en amitié et lui éviter bien des ennuis. Ce personnage du vieux Powell est très important car il est le premier acteur majeur d’une histoire de Lucky Luke à présenter une vrai richesse intérieure. Il est touchant, émouvant mais aussi pitoyable. Nous avançons à grand pas vers la maturité de la série. La fin de l’album montre un Lucky Luke plus messianique que jamais, il indique à la population quelle est la bonne voie, celle de l’agriculture, activité honnête par excellence, au détriment de la recherche frénétique de l’or, source de malheur à son sens.  

Cet album fait écho à une autre aventure de Lucky Luke, « La ruée vers l’or de Buffalo Creek » sortie de 1949 et publiée en 1951 dans l’album « Rodéo ». 

Petite bizarrerie dans le scénario, au  début de l’histoire, Lucky Luke apparaît évidemment juché sur Jolly Jumper, mais aussi accompagné d’une mule. A aucun moment, il est expliqué pourquoi, comme si le scénariste avait eu cette idée incongrue uniquement pour générer le premier gag le duo Denver Miles et Colorado Bill.

Dans l’excellent site « Sens critique », un internaute surnommé J.-L.P.2 a écrit une analyse très profonde, dont voici quelques extraits.

« L’humour » transparaît à travers cette histoire comme une véritable mise en scène de l’amitié, s’incarnant d’une manière négative dans le duo des deux escrocs, et de manière positive entre Lucky Luke et le vieux chercheur d’or Powell, personnage doté d’une véritable densité humaine. A bien des égards, le vieux Powell apparaît comme le double vieilli de Lucky Luke. Ils sont tous les deux solitaires. Ils ont le même sens de la justice.

Powell est l’un des rares personnages vis à vis duquel il éprouve un sentiment de dette. Cette attitude  peut s’assimiler à une quête du père. Contrairement à la figure du juge Roy Bean (« Le juge ») face à laquelle le héros se dressait, Powell apparaît comme une figure paternelle vis à vis de laquelle Lucky Luke peut faire preuve de sollicitude et de sauvegarde, malgré les refus répétés de Powell qui ne cesse au début de le rejeter, Lucky Luke s’impose à lui. La ville fantôme met également en œuvre le héros au prise avec une communauté dans une logique similaire à celle d’autres épisodes de la même période (« Billy the Kid »« Les Rivaux de Painful Gulch »). »

 

Curiosité

Cet album apparaît dans le film « Un homme, une femme » de Claude Lelouch avec Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, palme d’or du festival de Cannes en 1966.

Le gag

Le chapeau neuf.

La réplique

« Vous alliez ricaner. »