Le Cavalier blanc – 1975

Prépublication dans « Lucky Luke » d’octobre  1974 à janvier 1975

Après « Western Circus ». Lucky Luke retrouve le monde du spectacle puisqu’il rencontre une troupe de théâtre itinérante spécialisée dans le mélodrame. La figure marquante de cette troupe s’appelle Whitaker Baltimore, caricature de John Barrymore, acteur resté célèbre par son regard magnétique et son admirable gestuelle. Cet album est génial aux trois quarts.
Le mystère qui entoure l’intrigue est captivant avec une vraie montée du suspense mais, on ne peut qu’être déçu par le dénouement un peu bâclé, c’est sans doute là la l’inconvénient d’un album de 44 planches, un format forcément limité dans le développement d’une histoire (nous avions eu la même sensation avec « Dalton City »).  L’histoire est intéressante aussi car on n’y voit un Lucky Luke aux prises avec de grosses difficultés scéniques. Obligé de monter sur les planches, il ne retrouve pas l’assurance qui est la sienne dans sa vie quotidienne. On le voit aussi en difficulté sur un plan plus général. Il n’est précédé d’aucune aura dans les villages qu’il traverse. Personne ne semble le connaître à la différence de ce qu’on a pu voir dans d’autres albums.  Il est même  menacé par la vindicte des certains habitants qui sont à deux doigts de le pendre. On voit même Lucky Luke perdre sa contenance face à un mineur menaçant. Rarement, on l’aura vu subir à ce point les aléas d’une aventure. Goscinny donne l’impression de s’être vraiment lassé de la perfection de son héros. Il prend un malin plaisir à le déstabiliser. On en avait eu des prémices dans « Le Grand Duc ». On retrouvera ce genre de situation dans « La guérison des Dalton » et, à un degré moindre dans « Empereur Smith ». L’histoire tourne autour de l’inachèvement, inachèvement de la pièce, inachèvement de Lucky Luke lui-même dans ses entreprises. 
Sur le plan graphique, Morris s’offre un petit plaisir en dessinant des mineurs entièrement noirs comme des simples silhouettes, un peu comme André Franquin le fera dans ses célèbres « idées noires ». Une nouvelle déclinaison des fameux « partis pris chromatiques » qui ont caractérisé l’art de Morris. 

Pour la première fois depuis longtemps (depuis « Le Juge »), Lucky Luke est montré en train d’exercer son premier métier de cow boy puisqu’il revient à Nothing Gulch après avoir vendu un troupeau à Abilene pour 10 000 dollars et ce, pour le compte de son ami, le jovial Hank Wallys, une sorte de petit frère de Hank Bully, le cocher de « La diligence ». Lucky Luke et Hank Wallys  sont apparemment des amis de longue date, peut-être des camarades d’enfance. Ce n’est pas si fréquent de voir LL revivre ainsi son passé. 

Le début de l’histoire est à rapprocher d’un autre grand classique de la bande dessinée : « Les Cigares du Pharaon » de Hergé, une aventure de Tintin sortie quarante ans plus tôt.

La réplique

« À nous deux, infâââme ».

Caricatures

John Barrymore (acteur américain, 1882-1942). Il a notamment joué dans « Grand Hôtel » de Edmund Goulding (1932) avec son frère Lionel et Greta Garbo, « Romeo et Juliette » (1936) de George Cukor et « Train de Luxe » de Howard Hawks (1934). .
Hank Wallys est la caricature d’Andy Devine (Jermiah Schwartz, 1905-1977), un acteur spécialisé dans les rôles de gros. Il a notamment joué dans « La chevauchée fantastique » de John Ford. Il est le cocher de la diligence, le rôle que tient la caricature de Wallace Beery dans l’album de Lucky Luke adapté du film.

Curiosités

Cet album est passé en feuilleton dans l’éphémère mensuel « Lucky Luke », qui n’a connu que 12 numéros en 1974 . Il flirtait pourtant avec les 100 000 exemplaires vendus par numéro. La couverture de l’album est assez trompeuse. Elle ne reflète pas la réalité de l’histoire. D’abord Lucky Luke n’est pas très à l’aise sur scène quand il doit y monter. Ses relations avec Gladys Whimple ne sont pas aussi proches que le laisse entendre le dessin.   Enfin, Jolly Jumper s’esclaffe alors que la pièce que joue la troupe est un mélodrame., pas une comédie. 

Lucky Luke découvre un nouvel univers, celui du théâtre.