L’héritage de Rantanplan – 1973

Prépublication dans « Pilote » (717-736) de août à décembre  1973

Ran Tan Plan inventé en 1960 se voit consacré puisque son nom figure pour la première fois dans le titre d’une aventure. Mais cet album dépasse largement le cadre de la personnalité du chien le plus bête de l’Ouest, il traite en fait plusieurs sujets simultanément : léger comme l’excentricité de ceux qui, aux Etats-Unis, lèguent leur fortune à des animaux de compagnie ; plus grave comme la question du sort des immigrés asiatiques en butte au racisme des blancs.

L’appel à la communauté chinoise de Virginia City (Nevada) apporte évidemment une touche d’exotisme déterminante à l’Histoire, elle n’est pas sans rappeler l’extraordinaire « Lotus Bleu », d’Hergé. Cet album est puissant car au delà de l’intrigue et des gags, il traite de sujets historiques mais aussi sociaux. Lucky Luke se retrouve par procuration en position de chef d’entreprise, directeur d’un hôtel, en bute aux réactions d’un personnel inquiet pour le maintien de son emploi. Plus fort, il se retrouve en train d’ arbitrer l’affrontement des deux communautés. Encore plus fort, il est obligé de se positionner par rapport à la spéculation et à la cupidité de ceux qui logent les Chinois à des loyers prohibitifs.

Comme dans tous les albums « adultes » de la série, la richesse des personnages s’incarnent dans leur ambiguïté. Les Chinois, présentés comme des êtres cruels au début de l’album deviennent en fait des victimes au fil des pages. Les Dalton sont ici en pleine forme notamment au début avec le fameux épisode du vrai-faux revolver un sommet de l’humour goscinnien.

Sur le plan esthétique, cet album est marqué par un certain psychédélisme, très en vogue dans les années 70 avec beaucoup de rose fuchsia. Certaines couleurs semblent avoir été réalisées à l’aérographe. « La Guérison des Dalton » est finalement une sorte de manifeste Pop Art un sommet du style Morris même s’il ne colorisait pas ses planches lui-même, il laissait cette tâche aux techniciens des journaux et des éditeurs à qui il donnait des indications.  On n’est pas tout à fait sûr que Morris soit responsable à cent pour cent du parti-pris chromatique de l’album. Il est possible que Roland Venet, coloriste chez Dargaud à l’époque, ait accentué ce style psychédélique (lire le site « Neuvième Art », Lucky Luke ou la conquête de la couleur. article de  Michael Baril). 

La réplique

« Que me veut ce Mexicain ? »

Caricature

Mark Twain, écrivain et journaliste américain. (1835-1910).

Curiosité

Il s’agit du dernier album prépublié en feuilleton dans « Pilote ». Les auteurs quitteront le journal, déçu de son évolution éditoriale.

Le gag

Fasto Fats, renvoyé chez lui sous forme de colis.