Ruée sur l’Oklahoma – 1960
Prépublication dans « Spirou » (1046 à 1070) de mai à octobre 1958.
Cette aventure est l’une des rares que l’on puisse dater précisément. Nous sommes le 22 avril 1889, le jour où la colonisation de l’Oklahoma fut ouverte par le gouvernement des Etats-Unis. Lucky Luke inaugure ici sa carrière d’agent spécial de l’Etat. Il joue carrément le rôle d’un flic censé faire respecter l’égalité entre tous les candidats qui souhaitent s’installer dans ce nouveau territoire. Parmi les thèmes abordés, la cupidité, la jalousie, la spéculation immobilière.
L’histoire est très dense et très bien rythmée. Le début est léger, avec une succession de gags, puis une intrigue se dessine, marquée par une bande de méchants plutôt réussie. Parmi eux, figure Dopey, grand fort et bête, caricature de Michel Simon dont la personnalité évoluera au fil de l’histoire, chose très rare chez Lucky Luke. Son destin ressemble à celui de Jean Valjean, le héros des Misérables. Dopey commence l’histoire en position d’homme de main et de souffre douleur d’un truand (Coyotte will) et la finit en tant que maire de Boomville et garant de la morale.
Il est l’un des rares personnages de la série à être ainsi passé du camp des méchants à celui des bons (l’inverse est plus fréquent). Comme le personnage hugolien (qui fut lui aussi maire, mais à Montreuil-sur-Mer), Dopey s’élève socialement grâce à sa grandeur d’âme après une rencontre avec un homme qui lui a fait confiance. Dans « Les Misérables », c’était Monseigneur Myriel, évêque de Digne. Dans « Ruée sur l’Oklahoma », c’est bien sûr Lucky Luke qui remplit ce rôle.
Les auteurs abordent encore le thème de la politique et de la corruption du pouvoir mais de façon moins convenue et plus subtile que dans « Lucky Luke contre Joss Jamon ». La description de la campagne municipale, avec l’utilisation cynique d’ « inique », un mot que personne ne comprend, est un grand moment de finesse. La fin de l’histoire est particulièrement réussie. Elle est ambiguë et douce-amère dans la tradition des meilleures conclusions de la série.
Caricature
Michel Simon (acteur franco-suisse), 1895-1975.
Le réplique
« Inique »
Curiosité
Dopey est aussi le nom d’un des Sept Nains de Blanche Neige, celui qu’en français on appelle Simplet.