Sur la piste des Dalton – 1962

Prépublication dans « Spirou » (1138-1159) entre février et juin  1960

Cet album, largement méconnu, est pourtant capital. On peut même parler d’un album jalon. Il introduit un personnage qui fera florès, Ran Tan Plan, le chien stupide, caricature de Rintintin : berger-allemand vedette du cinéma américain des années trente-quarante. Cet album consacre également la montée en puissance de Jolly Jumper, le cheval de Lucky Luke qui, pour la première fois, se met à parler. Il ne dialogue pas avec son maître, mais il ponctue l’action de réflexions personnelles. En l’espèce, il ne cache pas son mépris pour Ran Tan Plan, ce nouveau venu qui lui fait de la concurrence. Il faut dire que ce dernier ne manque pas son entrée, il fait plusieurs fois rebondir l’intrigue par sa bêtise et ses intuitions totalement à côté de la plaque.
On peut dire que cet album marque le début du vrai âge d’or de Lucky Luke. Les personnages qui feront le succès de la série sont désormais bien en place. A noter que Ran Tan Plan sera toujours utilisé par Goscinny dans les mêmes histoires que les Dalton. Il est leur complément idéal comme si les auteurs voulaient montrer que les malfaiteurs n’avaient pas le monopole de la bêtise. Celle ci peut aussi être du côté du bon droit.

L’action de l’album est apparemment  basique : une histoire de plus de poursuite des Dalton évadés sans thème fort, ni contexte spectaculaire dans le droit fil de « Les cousins Dalton » et de « L’évasion des Dalton ». Goscinny fait bouillir la marmite en utilisant à plein la méchanceté de Joe, la simplicité d’esprit et la boulimie d’Averell.

Mais justement, la maitrise du récit dit quelque-chose du talent du scénariste et de l’efficacité du dessinateur qui se rapproche de la maturité de son trait.  En fait « Sur la piste des Dalton » est vrai classique. Le Lucky Luke à l’état pur. 

Les auteurs en rajoutent sur la couardise et la lâcheté des habitants des petites villes de l’Ouest, terrorisés face au Dalton au point de se mobiliser… face à Lucky Luke. 

Dans le site Sens Critique, un internaute nommé « Fatpooper » livre cette analyse qui résume tout : « Les textes de Goscinny sont plus fins, plus drôles, les calembours sont nombreux et font mouche systématiquement. Le scénariste exploite avec justesse la psychologie de ses personnages et même Luke n’est pas délaissé pour une fois (ce dernier montre même qu’il peut être en colère et impatient). L’intrigue est moins linéaire qu’à l’habitude du fait que l’on passe d’un camp à l’autre sans cesse et que chacun a ses propres obstacles à résoudre.
Morris semble vraiment à l’aise dans cet univers du far west : ses décors sont riches, les détails sont nombreux mais n’empêchent jamais la lisibilité de l’action. Les expressions corporelles de ses personnages sont justes également et le découpage efficace (avec notamment quelques jolies plans). L’on pourra constater depuis quelques albums, un effort du côté des couleurs : pas grand chose, c’est très classique, mais cette simplicité apparente convient au style de Morris). »

La même année : René Goscinny publie « La serpe d’or » (Asterix),  et aussi bien sûr : « A l’ombre des Derricks », « Les rivaux de Painful Gulch » et « Billy the Kid ». 

Curiosité 

Les Dalton prennent la place d’une troupe de mariachis mexicains, préfiguration de l’hilarant « Tortilla pour les Dalton » qui sortira sept ans plus tard. 

Lucky Luke rencontre un ami nommé Tex Thompson. Les deux hommes semblent liés, mais Tex Thompson ne reviendra plus sous la plume de René Goscinny.

Ran Tan Plan, le chien qui deviendra un personnage phare de la série.

Caricatures

Jerry Spring cow boy de bandes dessinées crée par Joseph Gillain, dit Gijé (1912-1980), mentor de Morris. 
On voit aussi Pancho, le fidèle compagnon mexicain de Jerry Spring. René Goscinny a écrit le scénario d’un album de cette série en 1958 : « La piste du grand nord ». Ce fut sa première apparition dans les pages de Spirou. 

Rintintin (chien savant du cinéma américain des années 20, 30, 40)

La scène

Joe haranguant la foule pour sauver Lucky Luke. L’un des plus beaux discours de la série. 

La réplique

« C’est la première fois qu’on m’aime. Et c’est la première fois que j’aime quelque chose qui ne se mange pas. » Averell en faisait un peu beaucoup dans son rôle de Caliméro, car la suite des aventures prouva qu’il y avait sur terre quelqu’un d’autre qui l’aimait. Ma, sa propre mère.