Western Circus – 1970

Prépublication dans « Pilote » (520 à 541) entre octobre  1969 et mars 70

Lucky Luke se retrouve en position de défenseur des opprimés. Les opprimés, ici, appartiennent à une petite troupe d’artistes de cirque évidemment persécutés par Zilch un affreux notable local, reconnaissable à sa dent en diamant. La première planche est spécialement réussie parce que dynamique. On est tout de suite dans l’action, procédé assez peu utilisé par Goscinny. Le ressort de l’action est l’exotisme : exotisme des animaux d’abord puis exotisme du spectacle, le cirque est présenté comme une activité nouvelle et moderne par rapport aux bons vieux rodéos du Far West à qui il fait concurrence.
Nous l’avons dit, cet album est très animalier. Il est dominé par la masse imposante d’Andy, un éléphant, qui ne passe pas inaperçu dans le Far West, ainsi que par la personnalité d’Erasmus Mulligan, directeur du cirque, phraseur et porté sur la bouteille qui fait un numéro de dompteur avec Nelson, vieux lion borgne et fatigué. Il permet aussi à Jolly Jumper de faire montre de ses nombreux talents, tellement prodigieux que même Lucky Luke ne les perçoit pas. Pour des tas de jeunes lecteurs, ce fut un crève-coeur que de voir le cow boy solitaire, habituellement si perspicace, ne pas rendre hommage à l’intelligence de son compagnon. Cet album marque clairement une sorte de prise de pouvoir du cheval de Lucky Luke dans la série. 
Le personnage d’Erasmus Mulligan est la caricature de W.C. Fields. Cet acteur burlesque connut un immense succès dans les années 30 et 40. Il avait imposé un genre à lui seul, celui d’un personnage misanthrope, misogyne, coléreux et porté sur la bouteille, ce qui n’était pas vraiment courant dans le cinéma américain de l’époque. Son caractère à l’écran était d’ailleurs étroitement mêlé à son comportement à la ville puisqu’il lui arrivait d’improviser des réflexions au beau milieu de certaines scènes. Dans cet album, le personnage ne reprend qu’une partie du caractère acide de W.C. Fields, ce qui lui donne une vraie épaisseur mais on peut regretter que les auteurs ne soient pas allés jusqu’au bout de la caricature, ce qui aurait peut être fait tâche par rapport à l’esprit de la série.
L’autre curiosité de cet album est la personnalité du tueur à gages Rattle Snake Joe, une sorte de Phil Defer quatorze ans après, en dix fois plus grotesque. Il est vaincu non pas par la violence, mais par le ridicule au terme d’une série de gags absolument hilarants. La fin de l’album fait référence à la vie de Buffalo Bill, ce héros du Far West qui fit ensuite des tournées en Europe, mettant en scène sa propre vie sous forme de spectacles forains. Le clin d’oeil est évident, tout comme la mise en abîme. L’univers du Western ne correspond plus tout à fait à la réalité, il est déjà un mythe.

Le gag

La multiplication.

Caricature

W.C. Fields (William Claude Dukenfield), 1879-1946.

Curiosité

Comme dans « La Caravane », un Français fait son apparition dans ce récit en la personne de Jules Framboise, un promoteur de spectacle parisien.

Rattlesnake Joe semble volontairement dessiné non pas dans le style de Morris mais dans celui de Marcel Gotlib, le dessinateur génial des « Dingodossiers » avec Goscinny et de « Rubrique à brac », deux séries qui ont révolutionné la BD française dans les années 60.

Erasmus Mulligan est la caricature de WC Fields, acteur burlesque des années 30.